Premières explorations

Vers l'Océan Pacifique

Les immensités de l’Atlantique semblaient infranchissables aux navigateurs de la fin du Moyen Âge lorsqu’ils envisageaient de gagner la Chine par l’ouest. L’exploit de Colomb, en 1492, démontre l’existence de terres intermédiaires entre l’Europe et l’Orient. Mais il faudra encore plus de vingt ans pour que les Européens parviennent à l’autre océan : Balboa ne franchit le mince isthme de Panamá qu’en 1513. Alors se déroule la fameuse cérémonie par laquelle le conquistador prend possession de la « mer du Sud » (l’isthme est ici orienté de l’est à l’ouest) au nom de Ferdinand d’Aragon et de Jeanne, sa fille.

Cette immense façade maritime de l’Amérique va être le théâtre des grandes découvertes : par elle, Pizarro parvient aux portes de l’Empire inca (1528). Plus au nord, Cortés achève son œuvre de découvreur dans le golfe de Californie (1536). Mais la reconnaissance méthodique du littoral a été précédée par un exploit prodigieux : si le destin a empêché Magellan d’achever son tour du monde, du moins le navigateur portugais a-t-il été le premier explorateur, en 1520 et 1521, de cette interminable mer du Sud, à laquelle il donna le nom de Pacifique puisque sa traversée s’était effectuée « sans aucune fortune ».

En 1529, le Portugal réussit à faire entrer les Moluques – objectif de Magellan – dans sa mouvance, contre 350 000 ducats versés à Charles Quint. Malgré toute sa puissance, l’Espagne n’avait pu dominer ces étendues marines couvrant le tiers du globe. Il restait pourtant à conforter l’itinéraire commercial de l’Espagne vers l’Orient. Ruy López de Villalobos, parti du Mexique, atteint les Carolines, puis les Philippines (1542). En 1564, le moine Andrés de Urdaneta saura trouver le chemin du retour vers l’Amérique, par les latitudes moyennes, et la zone des grands vents d’ouest : ce sera désormais l’itinéraire des galions. Par la suite, Miguel López de Legazpi, qui avait accompagné Urdaneta, établit des liaisons commerciales avec la Chine : l’influence espagnole était ainsi bien établie au nord de l’équateur.

Au sud, toute l’exploration sera orientée vers la recherche des immenses terres australes que maintes traditions cartographiques portent depuis l’Antiquité jusqu’aux basses latitudes : en 1570 encore, le cartographe Ortelius fera remonter en deux points ces terres jusqu’au nord du tropique du Capricorne. Parti à leur recherche en 1567, Alvaro de Mendaña ne découvre que les îles Salomon. Les Anglais entrent à leur tour dans l’arène avec leur premier tour du monde, celui de Francis Drake, qui traverse le Pacifique (1577-1580). En 1606, le Portugais Pedro Fernández de Quirós découvre Tahiti et les Nouvelles-Hébrides et croit voir dans ces dernières une des extrémités du continent austral.

L’étape suivante est marquée par la difficile délimitation de l’Australie, ce à quoi, finalement, l’immense continent austral se réduisait. Ce sera, pour l’essentiel, la tâche des Hollandais. En 1606, Willem Jansz découvre une partie du littoral du golfe de Carpentarie, dont il pense qu’il prolonge celui de la Nouvelle-Guinée. Abel Janszoon Tasman effectue le tour de l’Australie (1642-1643), démontrant ainsi l’insularité du « sous-continent ».

Avec le siècle des Lumières commencent les expéditions purement scientifiques : en 1722, Jacob Roggeve en découvre l’île de Pâques et ses mystérieuses statues colossales. L’exploration est continuée par les Anglais John Byron (1766) et Samuel Wallis (1767). En 1768, le Français Bougainville séjourne à Tahiti. Mais il appartiendra à l’Angleterre de franchir une étape décisive dans la découverte du Pacifique grâce à James Cook, qui, lors de son deuxième voyage (1772-1775), fait reculer très loin vers le sud les limites de l’Antarctique.

Après Cook et Lapérouse, dont les recherches seront précieuses pour préciser la configuration du nord de l’océan, il ne reste plus que des travaux de détail à effectuer. Ils seront le fait des Anglais George Vancouver, sur la côte nord-ouest de l’Amérique (1792-1795), et Robert Fitzroy, sur les côtes sud-est (1831-1836), ainsi que du Russe Fedor P. Lütke, du Kamtchatka aux îles Carolines (1826-1829). Les confins méridionaux seront reconnus par tous ceux qui vont préparer l’assaut de l’Antarctique.

La découverte du Cap Horn

En septembre 1578, Sir Francis Drake, au cours de sa circumnavigation, passa le détroit de Magellan et déboucha dans l’océan Pacifique. Avant de pouvoir poursuivre sa route vers le nord, son bateau rencontra une tempête et fut repoussé largement au sud de la Terre de Feu où il débarqua sur une île qui « était plus au sud de trois quarts d’un degré que toutes les autres isles », ce qui ne peut correspondre qu’aux îles Diego Ramirez. L’étendue d’eau libre que l’équipage découvrit convainquit Drake que, loin d’être un autre continent, comme il l’avait d’abord pensé, la Terre de Feu était une île avec l’océan ouvert au large de son extrémité sud. Cette découverte fut sans suite, les bateaux continuant à emprunter le passage connu du détroit de Magellan.

Au début des années 1600

la Compagnie néerlandaise des Indes orientales avait le monopole de tous les transports marchands hollandais via le détroit de Magellan et le cap de Bonne-Espérance, les deux seules routes connues à l’époque pour rejoindre l’Extrême-Orient. Dans sa quête d’une voie alternative qui lui permettrait de briser ce monopole, le marchand hollandais Jacob Le Maire, accompagné du navigateur Willem Schouten, prit le large en direction de la Terre de Feu dans le but d’explorer le passage suggéré par Drake. Soutenu par les responsables municipaux de la ville hollandaise de Hoorn, l’expédition quitta le port avec deux navires, le Eendracht et le Hoorn, en mai 1615.

Le Hoorn fut détruit lors d’un accident en Patagonie, mais en janvier 1616, le Eendracht traversa le détroit aujourd’hui appelé Le Maire, et aperçut une île surélevée au sud. Elle fut baptisée « Kapp Hoorn », en l’honneur des sponsors de l’expédition. Au moment où il fut découvert, le Horn était considéré comme étant le point le plus au sud de la Terre de Feu. Les mauvaises et imprévisibles conditions météorologiques, ajoutées à une mer toujours très agitée dans le passage de Drake, ont rendu l’exploration des environs difficile, et ce ne fut qu’en 1624 que l’on comprit que le Horn était une île. Le fait que l’Antarctique ne soit découvert qu’en 1820, alors qu’il n’est situé qu’à 650 kilomètres (400 miles) du Horn de l’autre côté du passage de Drake, et que pendant 200 ans une multitude de navires soient passés par là, est symptomatique des conditions extrêmes qui règnent dans cette région.

Du XVIIIe siècle jusqu’au début des années 1900

le cap Horn fut l’un des points de passage des routes commerciales qui assuraient une large part des échanges de marchandises autour du globe. Les navires (principalement les clippers dont la vitesse assurait la compétitivité) chargés de coton, de céréales et d’or en provenance d’Australie passaient au large du cap Horn pour retourner en Europe et ainsi terminer leur périple autour du monde. Un important trafic existait également dans l’autre sens, entre l’Europe et l’Extrême-Orient. Enfin, des navires transportant des marchandises ou des passagers empruntaient la route du cap Horn pour passer d’une côte des États-Unis à l’autre. Le Horn a fait payer un lourd tribut à beaucoup de ces navires, qui parfois ne sortaient pas indemnes de sa dangereuse traversée.

La tradition voulait qu’un marin victorieux du passage du Horn (un « Cap-hornien ») puisse porter un anneau en or sur son oreille gauche, car c’est de ce côté que l’on longe le cap lors de la traversée d’ouest en est, le sens considéré comme classique. L’autre privilège était de pouvoir dîner avec un pied sur la table, la possibilité d’y mettre le deuxième étant réservé aux marins ayant également passés le cap de Bonne-Espérance. Une autre coutume veut aussi qu’un marin ayant passé à la voile les trois caps (Horn, Leeuwin et Bonne-Espérance) gagne le privilège de « pisser et de cracher contre le vent ». L’ouverture du premier chemin de fer transcontinental en Amérique du Nord, ainsi que celle du canal de Panamá en Amérique centrale, a conduit à une diminution progressive du trafic maritime autour du Horn pour des motifs commerciaux. À une époque où les bateaux à vapeur remplaçaient les navires à voiles, le Pamir fut, en 1949, le dernier voilier commercial à passer le cap Horn avec une cargaison, sur sa route qui le menait de l’Australie jusqu’à la Finlande.

 

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